Le jeudi 18 avril 2024, nous recevions Souad Boutegrabet pour le deuxième petit dej’ rôle modèle de l’année 2024.
Souad est fondatrice et directrice exécutive de DesCodeuses, dont l’objectif est de propulser les femmes des quartiers populaires vers des métiers techniques dans le numérique.
Pour atteindre cet objectif, l’association forme des femmes issues de quartiers prioritaires à la programmation, à la cybersécurité et au cloud. DesCodeuses les accompagne ensuite dans leur insertion professionnelle, en diversifiant le recrutement des entreprises.
Après Paris et Lille, les DesCodeuses s’implantent à Marseille accompagnées de Kyndryl et de la Fondation OM. Les Elles à l’Unisson se proposent d’aider Souad à développer d’autres partenariats dans la région.
Un entretien inspirant mené par Emmanuelle Vrain dans les locaux de PwC à Marseille (un grand merci à Cédric Minarro de PwC qui a accepté de nous recevoir dans ses locaux !)
Souad a grandi entre deux univers opposés : un quartier populaire de banlieue parisienne d’un côté, et un milieu rural en Belgique de l’autre.
« Ajoutez à ça des parents d’origine algérienne, et vous avez une bonne partie des éléments qui ont participé à forger mon identité ».
Elle grandit dans une maison de femmes, entourée de 5 soeurs.
« Ça donne envie de choisir son combat ! »
Après des études d’économie, Souad commence sa carrière chez BPCE, où elle restera 10 ans.
« Au début, je ne networkais pas du tout. Je n’avais pas conscience que c’était important pour évoluer professionnellement. Quand j’ai commencé à le faire, j’ai vu la différence et j’ai commencé à gravir les échelons… jusqu’à un certain point, où j’ai connu ce fameux plafond de verre ! »
Souad quitte finalement BPCE au bout de 10 ans, et opère un virage à 180° vers… la programmation.
« J’étais persuadée que c’était uniquement pour les hommes geeks… j’avais tort ! J’ai commencé à programmer et j’ai adoré ça. Mais comme on est en France, il faut des diplômes pour pouvoir exercer dans une certaine branche. »
Souad se forme et exerce en tant que programmeuse de 2013 à 2017.
« Mais l’univers restait très masculin ! Je me suis dit qu’il manquait des femmes ! »
L’idée de créer DesCodeuses lui apparait alors comme une évidence.
« Je viens d’un quartier prioritaire en région parisienne où on avait tous, à peu de choses près, le même schéma familial : un papa ouvrier, une maman femme de ménage ou femme au foyer. On n’avait pas les clés pour faire autre chose. Plus que ça : on n’avait pas l’idée de faire autre chose. Donc je me suis dit qu’il fallait commencer par informer. »
Souad commence par organiser des ateliers d’initiation à la programmation :
« Le succès a été immédiat ! Énormément de femmes se sont montrées intéressées ! »
À l’heure où 86% des femmes qui sont au chômage s’orientent vers des métiers féminisés (soin, service…) et seulement 8% vers les métiers du numérique, Souad a voulu cibler les femmes des quartiers populaires, et les accompagner ensuite dans leur insertion professionnelle, en diversifiant le recrutement des entreprises.
« Trouver des partenaires, c’est le plus compliqué ! L’entreprise a un rôle très important à jouer, entre les heures de mécenat de compétence et les stages. »
Fortes de 86% de taux de transformation en CDI à l’issue de leurs formations, les DesCodeuses opèrent en 3 temps :
- Des ateliers de sensibilisation et initiation
- Une formation de 6 mois
- Un stage de 6 mois en entreprise
« Les entreprises nous disent qu’elles n’ont jamais vu d’éléments aussi curieux, autonomes, déterminés. Ce sont des profils qui ont souvent galéré dans leur vie personnelle. Elles sont donc habituées à gérer les problèmes, et pensent directement « solutions ». »
DesCodeuses forment 1200 femmes par an, et ont 90% de taux de satisfaction des entreprises.
« La mixité est extrêmement importante, pas uniquement pour l’aspect économique et productif, qui est souvent mis en avant. Mais aussi pour que chacun puisse trouver sa place. Pour que les entreprises ressemblent à la société française, tout simplement. »
Élue Top35 positive leader en 2021, Leader Inclusif institut Choiseul en 2022 et GoalKeeper fondation Gates en 2023, Souad est fière… mais modeste !
« Les prix sont importants parce que c’est la reconnaissance de NOTRE travail. On est une vingtaine à travailler sur ce projet. »
3 valeurs qui accompagnent Souad au quotidien :
- La solidarité et la générosité
- La détermination
- La tolérance
2 obstacles que Souad a pu rencontrer et a su dépasser :
- Le mépris de classe sociale. C’est difficile de s’en remettre au début, mais j’ai dépassé ces réactions quand j’ai commencé à comprendre pourquoi il y avait de la résistance en face. Cela m’a permis de changer de regard sur certaines classes sociales et comprendre la façon dont ils fonctionnent.
- La fausse croyance qui dit que « il faut passer par une école d’ingénieure pour apprendre à coder ». J’aime rappeler que le code a été inventé par des marginaux, des gens qui n’entrent pas dans les cases. Le code se perfectionne en pratiquant. Alors donnez leur chance à des profils qui sortent des cases. Il y a encore du travail mais ça s’améliore.
La devise qui guide Souad au quotidien :
« Ça n’existait pas pour moi, alors je l’ai créé pour nous. » Toni Morrison
